VILLEGLÉ Jacques - Carrés magiques

Sérigraphie, 2003, H. 76 x L. 57 cm
Editeur : Jean Villevieille
N° 69/80
Collection : GAC
Numéro d'inventaire : GV.2015.103
Issue du fonds Jean Villevieille, éditeur sérigraphe, Saint-Étienne.
J'ai trop de succès, je suis déjà empruntée ! Bientôt de retour...


Jacques Villeglé est né en 1926 à Quimper. Il étudie l'architecture à l'école des Beaux-Arts de Nantes, puis rejoint Raymond Hains à Paris, où va débuter la grande aventure des affiches décollées et lacérées. Passionné depuis toujours par la typographie, c'est en février 1969 qu'il entame la création d'un alphabet sociopolitique à partir duquel il réalise des sculptures parfois monumentales. « Une idée d'alphabet qui m'était venue dans le métro, station République, [...] lors de la venue à Paris de Richard Nixon [...]. Sur le mur d'un couloir j'avais lu les trois flèches de l'ancien parti socialiste, la croix de Lorraine gaullienne, la croix gammée nazie, la croix celtique [...]. Cet assemblage de sigles surchargeait le nom du président américain rendant visite au général de Gaulle. » Dix ans de création furent nécessaires pour cet alphabet qui développe des signes politiques, religieux, idéologiques, monétaires, zodiacaux, maçonniques, pacifistes, militants, contestataires, guerriers, etc. x qui sont ajoutés ou substitués à chaque lettre (hormis le J). Ces signes sont puisés dans la culture populaire et varient constamment en parallèle à l'évolution du monde, de la société. L'alphabet sociopolitique agit ainsi comme une confrontation brute de l'histoire.

Cette sérigraphie est une représentation de différents carrés : le « Carré de Sator », un palindrome sur Satan, les carrés du peintre Malévitch, un poème sur le carré. Le « Carré de Sator », un palindrome latin qui a été retrouvé parmi les graffiti de Pompéi est placé au coeur de la composition, entouré de différents carrés faisant référence au carré de Malévitch. Il peut se lire aussi bien de gauche à droite que de haut en bas et laisse apparaître la phrase « Sator Arepo Tenet Opera Rotas » dont l'une des significations est « Le laboureur Arepo utilise les roues comme forme de travail ». Le début d'un carré consacré à Satan apparaît dans la partie inférieure de la composition : symbole d'harmonie ou de chaos. Jacques Villeglé retranscrit en lettres sociopolitiques un poème qui fait éloge du carré d'Eugène Guillevic (1907-1997), extrait du recueil Euclidiennes. En utilisant son alphabet sociopolitique, Villeglé veut coller aux réalités du monde en relevant certaines de ses empreintes saillantes. Il nous renvoie à l'histoire ainsi qu'au quotidien. Il nous parle non seulement de paix (lettre O), de religion (t : Golgotha x A : croix de David), de victoire, de tolérance, d'argent (S : dollar américain), mais aussi de choc, de lutte (A anarchiste x E et N : les trois flèches de l'ancien parti socialiste), de conflit, de danger (O : bombe). Chacun peut effectuer sa propre lecture des graphismes sociopolitiques en fonction de la valeur et du pouvoir qu'il confère à ces signes, selon sa culture, sa réaction instinctive, sa curiosité ou son questionnement face _à cette oeuvre.

Bibliographie
Jacques Villeglé, Revue Lisières, no 28, août 2015.
Carine Roma-Clément, Jacques Villeglé, sculptures, Saint-Julien Molin-Molette, Jean-Pierre Huguet éditeur, 2012.
Sophie Duplaix (sous la dir. de), Jacques Villeglé. La comédie humaine, cat. exp. Paris, Éditions du Centre Pompidou, 2008.
JAVI-006